The French writer and philosopher Michel Onfray wrote this essay as an introduction to a photobook called Correspondances, featuring images of Mont-Saint-Michel and its surroundings by photographer Richard Volante. The book emerged from a residency that Volante undertook in and around the bay of Mont-Saint-Michel, during which he met local residents and found out about their lives and their relationship to the the unique landscape that surrounded them. “He listened to them, then he photographed them,” as the blurb says.
Onfray, who’s a literary as well as a philosophical star in France, grew up in Normandy and spent his formative years at the University of Caen, which isn’t far from Mont-Saint-Michel. His love for the landscape of the region glows warm in this essay and his fierce and original mind sparkles.
LE PAYS SAGE DU VISAGE
par Michel Onfray
Un paysage, c’est un visage ; un visage, c’est un paysage. Jamais peut-être autant qu’avec Richard Volante cette évidence ne s’est montrée en majesté.
Chacun le sait, pour avoir vu le paysage se transformer sur le visage d’un être aimé, que les rides et ridules sont comme une rivière ou des ruisseaux sur une peau ; que les poches sous les yeux sont de petits tas de poudre de sable ; que les poils qui sortent du nez ou des oreilles sont des brindilles ou des brins d’herbe, des branchages ou des touffes de graminées sèches ; que les yeux sont une mare ou un lac, un océan parfois ou une mare d’eau croupie de temps en temps ; que les cheveux sont des forêts hirsutes ou que le crane rasé luit comme une lune en plein jour ; que les oreilles sont des escargots géants, des bulots si l’on veut ; que les sourcils sont des haies plus ou moins taillées ; que la bouche est un fossé ourlé d’un monticule ; que le menton est une petite éminence de terre, un tertre, un talus.
Chacun le sait aussi, il est des êtres qui sont des marécages ou des déserts, des montagnes ou des gouffres, des bocages ou des landes, des garrigues ou des marais, des forêts ou des buissons, des terriers ou des prés, des valons ou des pitons, des falaises ou des plaines. Que jamais le désert ne tombe amoureux du marais ou la forêt de la falaise, car l’un des deux périrait sous le baiser de l’autre !
Chacun ignore souvent qui il est, et tel se prend pour un lac qui est une flaque, ou tel autre pour une haute futaie qui n’est qu’une herbe folle ; l’un s’imagine une toundra sans fin et n’est guère plus qu’un jardin de curé à l’abandon.
Chacun enfin s’ajoute à lui-même de quoi parfaire ce qu’il est : une coiffure, des lunettes, une moustache, des bijoux, un bonnet. A l’évidence, ces artifices contribuent au portrait sous forme d’autoportrait. La barbe de trois jours branchée ou la moustache rebelle en broussaille, le cheveu en botte de foin sur la tête ou la coupe soignée, en brosse ou laquée, les lunettes aux branches absentes ou aux montures très présentes, sinon remontées sur le haut du crane, tout cela raconte comment chacun se raconte.
Richard Volante a pris le parti du contrepoint : il associe un paysage, la plupart du temps noyé dans lui-même, sans franche limite, flou, ouvert sur son être, en couleurs écrasées, comme sur la palette brûlée par la lumière d’un peintre mort depuis longtemps, et un visage cadré, serré, fixe, net, précis, en noir et blanc. Un ou deux visages.
Sauf pour le sujet photographié et le photographe qui les saisit, la raison du contrepoint reste énigmatique. Pourquoi ce couple de jeunes anciens à côté d’un pieu fixé dans une plage à marée basse et cette bouée qui lui est arrimé ? Pourquoi ce jeune homme associé à l’entrée d’un village qu’on voit en contrebas ? Pourquoi une jeune fille, fière comme princesse espagnole, en regard d’un cours d’eau qui serpente entre des hautes herbes jaunies avec au loin le faitage d’une toiture ? Pourquoi cet autre jeune homme, fier lui aussi, à côté d’un pont dont les arches enjambent une eau bleue comme l’azur sidéral ? Pourquoi celui-ci qui a peut-être mon âge, avec des lunettes noires, rondes, et un foulard aux jolis motifs, accompagne-t-il un laid tout petit cabanon en ciment précontraint sur les hauteurs qui dominent la mer ? Pourquoi ce faux ours qui doit cacher sous sa peau rude une âme tendre en binôme avec un entrepôt en bois presque sorti du grand nord canadien ? Pourquoi ce fort viking aux yeux clairs et perdus ne regarde-t-il pas la vaste étendue de sable qui le sépare de la mer en contre plongée ? Pourquoi cet homme austère, coiffé en brosse et chaussé de lunettes, devant ce mur d’église avec son vitrail et cette pierre tombale recouverte de lierre ? Pourquoi cette dame au rouge à lèvre noir comme ses grandes lunettes, et au décolleté qui plonge, en contrepoint avec une réplique de la grotte de Lourdes ? Pourquoi cette douce et tendre, cette belle et émouvante, cette touchante et attendrissante photo d’un couple dont l’homme pose sa sublime main de travailleur sur l’épaule gauche de cette femme qui est à ses côtés sont-ils aux côtés d’un troupeau de vaches faisant face à une maison ancienne ? Pourquoi celle-ci aussi, pourquoi celle là également, pourquoi cette autre encore ?
Des réponses s’imposent, mais ne sont-elles pas plutôt celles que mon histoire impose à ces photos ? Un couple lié comme la bouée à son poteau d’amarrage ; un jeune homme attaché à son village natal ; une autre qui se rappelle un souvenir hanté par des héros de Barbey d’Aurevilly . Ou bien : un curé devant l’église de sa paroisse ; un couple de paysans sur ses terres.
Ou bien encore : d’autres histoires, d’autres raisons, secrètes, discrètes, personnelles, privées. De ces histoires qui se nouent dans des lieux qui nous sculptent l’âme et la chair au point qu’un jour la silhouette, le corps, le visage sont devenus des éléments du paysage.
Richard Volante les vole mais n’en livre pas tous les secrets. Il photographie le mystère des gens simples dans un paysage hanté par des forces – les leurs, mais aussi celles des lieux. Il regarde ceux qui le regardent et montre ce que leur âme tait à l’aide de paysages loquaces qui bruissent dans les couleurs que l’œil ne voit jamais parce que l’âme les voit tout le temps. Fidèle à l’étymologie du photographe, il écrit avec la lumière des histoires qui n’en deviennent pas claires pour autant. Eclairer le sombre, c’est le repousser sur les bords, le déplacer, pas l’abolir ; c’est le remettre au centre en l’installant dans les marges.
Ce que les photos de Richard Volante ne montrent pas, voilà ce qui est le plus flagrant – ce qui a été montré a rendu possible ce qui n’a pas été montré. Coup de génie. Plus ils semblent lisibles, plus les visages et les paysages gagnent en profondeur, donc en mystère. Photographier tout cela, c’est soulever le voile et découvrir que ce qui a importé c’est le geste qui a écarté le velours du tissu.
Michel Onfray
THE WISE LANDSCAPE OF THE FACE
by Michel Onfray
A landscape is a face; a face is a landscape. Never before, perhaps, has this truth revealed itself with such majesty as it does with Richard Volante.
Everybody knows, once they’ve seen the landscape change on the face of a loved one, that the wrinkles and lines are like a river or rivulets on the skin; that the bags under the eyes are little heaps of powdered sand; that the hairs that sprout from the nose or the ears are blades or shoots of grass, twigs or tufts of dried turf; that the eyes are a pool or a lake, occasionally an ocean or, every now and then, a pond full of dirty war; that the hair is a hirsute forest or that the shaven head glows like a moon in daytime; that the ears are giant snails, or whelks, if you prefer; that the eyebrows are hedges that have been more or less trimmed; that the mouth is a ditch hemmed in by a mound; that the chin is a hummock, a bank, a little eminence of earth.
And everybody also knows that there are people who are swamps or deserts, mountains or chasms, fields with hedgerows or open moorlands, Mediterranean scrublands or swamps, forests or copses, dens or meadows, valleys or outcrops, cliffs or plains. And that a desert never falls in love with a marshland, or a forest with a cliff face, because one would perish under the embrace of the other.
All too often, we can be ignorant of who we really are: a person who is, in fact, a puddle might see themselves as a lake; another might think of themselves as a towering tree when they’re nothing but a weed; someone else might imagine themselves a limitless tundra, when they’re little more than an overgrown vicar’s garden.
Everyone ends up adding to their person what they deem necessary to perfect themselves: a haircut, a pair of glasses, a moustache, some jewellery, a bonnet. Clearly, these artificial adjustments contribute to the portrait by means of self-portraiture: the three-day hipster beard or the bushy rebel moustache, the hair piled-up on the head like a haystack or the well-groomed cut, brushed or lacquered, the glasses with absent earpieces or a striking frame, shoved up on the crown perhaps…it all conveys how every person conveys themselves.
Richard Volante has taken the side of juxtaposition and counterpoint: he combines a landscape, soaked in itself most of the time, without clear limit, blurred, open to its being, in crushed colours, like those on a palette burnt by the light of a painter who died long ago, with a face, tightly framed, fixed, neat, precise, in black and white. One or two faces.
The reason behind the counterpoint remains an enigma, other than to the subject being photographed and the photographer who’s capturing them. Why this youthful old couple next to a pile driven into a beach at low tide, with a buoy moored to it? Why this young man juxtaposed with the entrance to a village, visible below. Why a young girl, as proud as a Spanish princess, looking at a watercourse that snakes between the tall yellowing grasses, with the apex of a roof in the distance? Why this other young man, also proud of himself, next to a bridge whose arches span water as as blue as sidereal azure? Why does this person who’s perhaps my age, with round black specs and a scarf with pretty motifs, accompany a small and ugly shed made of pre-stressed cement on some upland overlooking the sea? Why is this fake bear, who probably hides a tender soul under his rude skin, paired up with a wooden warehouse that could have come straight out of the great Canadian north? Why isn’t that powerful viking with bright lost eyes looking at the vast stretch of sand that separates him from the sea from a low angle? Why this austere man, hair brushed back and fitted with glasses, in front of this church wall with its stained-glass window and sepulchral stone covered in ivy? Why is this lady with her red lipstick, black as her enormous spectacles, with her plunging neckline, juxtaposed with a replica of the Lourdes grotto? Why is this delicate and tender, this beautiful and moving, this touching and softening photo of a couple, the man resting his sublime workman’s hand on the left shoulder of this women who is by his side, placed next to a herd of cows looking in the direction of an old house? And why this too, why that also, and why the other as well?
Answers foist themselves, but are they not the answers that my own story imposes on these photos? A couple fastened together like the buoy to its mooring post; a young man bound to the village of his birth; another who digs up a memory haunted by the heroes of Barbey d’Aurevilly. Or else: a priest in front of his parish church; a couple of peasants on their land.
Or other stories, other reasons, secret, discreet, personal, private. Stories that weave together in places that sculpt our flesh and soul to the extent that one day the silhouette, the body, the face have become part of the landscape.
Richard Volante steals them but doesn’t deliver up all their secrets. He photographs the mystery of simple people in a landscape haunted by certain forces – their own but also those of the place itself. He looks at those who look at him and reveals what their soul keeps quiet with the help of loquacious landscapes that rustle with the colours that the eye never sees, because the soul sees them all the time. Faithful to the etymology of photography, he writes stories with light, stories that don’t become any clearer for all that. To light up the darkness is to push it aside, to displace it, not to abolish it: it’s to put it back in the centre by installing it on the margins.
What the photos of Richard Volante don’t show, there’s what’s most flagrant – what was shown has made what wasn’t shown possible. A stroke of genius. The more they seem readable, the more these faces and landscapes gain in depth, and hence in mystery. To photograph all that, is to raise the veil and discover that what mattered was the gesture that drew back the velvet from the cloth.
Michel Onfray.
© Michel Onfray / Les Éditions de Juillet. All rights reserved.
Translation by Andy Morgan.
Find out more about the book Correspondences and Les Éditions du Juillet.
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